Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Technopolis
Technopolis
Publicité
Derniers commentaires
Archives
6 mars 2007

Episode 08

            Elle regarda autour d’elle et, après s’être assuré qu’il n’y avait personne, poussa la porte qui donnait sur un petit hangar. A l’intérieur, une immense hélice tournait sans cesse, produisant de l’électricité pour toute la ville et occasionnant tout un tas d’étincelles bleues inoffensives mais impressionnantes. C’était dans cette pièce qu’ils avaient décidé de s’installer, parce que personne ne viendrait les y chercher et quand ils auraient tout le matériel dont ils avaient besoin, ils feraient exploser l’hélice.
Elle retira son masque et alla rejoindre Juan, qui était le chef des rebelles avant son arrivée. D’origine latine, il avait eu la chance d’être naturalisé dès sa naissance, sinon, il aurait fait partie des esclaves à l’heure actuelle. Cependant, ses cheveux bruns, son teint hâlé et ses yeux noirs lui causaient pas mal de problème : à cause de l’esclavagisme, la plupart des américains pure souche avaient développé des sentiments xénophobes très forts et tous les exclus qui semblaient être étrangers étaient considérés comme des esclaves en fuite. D’ailleurs, dans leur groupe, ils avaient aidé un couple de chinois à s’évader et les cachaient dans leur hangar.
Maria, la sœur de Juan vint les rejoindre.
« Qu’est ce que tu as ? Tu es toute débraillée.
- Oh, ce n’est rien. Regardez plutôt ce que je vous ramène, dit-elle fièrement en exhibant le passe volé. Ce Wadeker est un vrai crétin : il voulait discuter. Je lui ai pris son passe vite fait et je l’ai laissé sur le bitume.
- Il t’a reconnue ? s’enquit Juan.
- Il se doute que je ne suis pas une exclue, mais je ne crois pas qu’il sache qui je suis précisément. Tu sais, ce n’est pas parce qu’on fait partie de l’élite qu’on se fréquente.
- Tu es pourtant un des meilleurs partis de la ville, remarqua Maria, il a peut-être vu ta photo dans les journaux.
- C’est vrai qu’en étant la fille d’Hank Antelwort et la belle-fille de Nicholas Geller, on passe difficilement inaperçue. Tu devrais faire attention, Oceany : s’il te reconnaît, il risque de te dénoncer et tout ce que nous aurons fait jusqu’ici n’aura servi à rien.
- Ne t’en fais pas, Juan, il ne me reconnaîtra pas et si jamais il me dénonçait, je nierais, c’est tout. Réfléchis : avec mon nom, je ne risque absolument rien.
- Ca nous fait deux passes pour les sommets avec le tien, on va pas aller loin avec ça, soupira Maria.
- Ne désespérons pas, on va y arriver. De toute façon, on n’est pas encore prêts, il ne faut pas se précipiter. Il va falloir que je rentre, on pourrait s’apercevoir de mon absence.
- Je te ramène, proposa Juan.
- OK . Demain soir, je vais essayer de chiper quelques passes, durant les fiançailles de ce cher Wadeker. Avec de la chance, on pourra réaliser notre plan plutôt que prévu. Et restez sur vos gardes. »
Elle fit un signe de la main pour saluer ses complices, puis suivit Juan jusqu’à un recoin du hangar où ils avaient planqué les trois motos à aéropropulseurs qu’ils avaient volés à la police. Ils étaient en train de s’installer quand Mai-Li, la Chinoise qu’ils avaient sauvée vint les rejoindre. Mai et Oceany étaient devenues très proches au fil des mois et se comportaient presque comme deux sœurs, toujours inquiètes l’une pour l’autre. Faire partie des rebelles n’était pas sans danger.
« Maria m’a dit que tu t’étais battue, ça va ?
- Ouais, je l’ai mis K.O dès le premier round. Tu sais, les membres de l’élite qui font du karaté, ça court pas les rues, et puis, j’ai gagné un passe pour les sommets ! Je vais essayer d’en voler quatre autres, demain, à la réception, comme ça, on pourra envoyer notre commando spécial.
- Fais attention à toi, d’accord.
- T’en fais pas, tu risques plus ici que moi là-haut. Fais attention : il ne faut surtout pas que l’on te voie.
- Ne t’inquiète pas pour moi, je suis habituée à me terrer. »
Elles s’étreignirent affectueusement et se quittèrent avec regret quand Juan mit le moteur en route. Oceany salua son amie de la main, puis s’accrocha au torse puissant de son chauffeur ; elle était inquiète pour Mai-Li, elle n’avait pas une très bonne mine : l’air ambiant était chargé d’électricité, ce ne devait pas être très bon pour leur santé, mais ils n’avaient pas le droit de sortir, car ils risquaient d’être rattrapés par la police qui les recherchait depuis quatre mois.
La moto s’éleva dans les airs et fonça vers le sommet ; grâce au passe d’Oceany et celui qu’elle avait dérobé à Wadeker, ils pouvaient passer n’importe où sans déclencher les alarmes…Bientôt, ils en auraient assez pour envoyer cinq d’entre eux au sommet pour réaliser le plan qu’ils avaient mis sur pieds presque un an plus tôt, quand ils avaient découvert que Technopolis n’était pas le paradis qu’on leur avait promis.
Juan se posa à côté du balcon de la jeune femme et mit la moto en mode « lévitation automatique » ; elle descendit du véhicule et vérifia qu’il n’y avait personne aux alentours.
« Merci de m’avoir raccompagnée.
- De rien : j’aime bien me balader en moto et je déteste te savoir seule.
- Je ne risque rien, tu le sais bien. Dans cette ville, ce sont nous, les bandits.
- Ouais, mais on n’est pas les seuls : on a fait des émules ! Chacun veut son passe pour les sommets, pour voir enfin le soleil briller dans le ciel.
- Dire que je croyais que le soleil brillait pour tout le monde pareil. Dans cette foutue ville, seuls les privilégiés peuvent en profiter. Cette société est pire que l’ancienne, je crois.
- Moi, j ‘en suis sûr. Bonne nuit, Oceany.
- Bonne nuit, et fais attention en rentrant : ne casse pas la moto en faisant l’idiot. »
Il sourit et lui adressa un coup d’œil complice avant de remettre les gaz et de filer. Elle observa un instant le discret sillon que laissa l’appareil derrière lui, gardant en mémoire les quelques instants passés en compagnie de son complice. Il ne la laissait pas indifférente et elle savait ce sentiment réciproque mais il tait inutile d’espérer quoi que ce soit. Outre le fait qu’un amour entre un exclu et un membre de l’élite était très difficile, voire impossible, il fallait se concentrer sur l’essentiel. La lutte contre le pouvoir n’était guère propice aux amourettes.
Elle soupira et rentra dans sa chambre, luxueusement décorée au milieu de laquelle trônait un immense lit à baldaquin. Pour créer les appartements de l’élite, les architectes s’étaient inspirés du Château de Versailles et la rumeur prétendait même qu’il existait des passages secrets. Mais elle en doutait sérieusement : quel intérêt de pouvoir aller d’un appartement à un autre ? Aucun. Elle retira sa combinaison qu’elle rangea dans son coffre fort et enfila sa nuisette en soie dorée ; tout respirait le luxe, dans cette pièce, jusqu’à ses sous-vêtements : on affichait sa supériorité jusqu’au bout, ça en devenait ridicule. Elle haïssait cette ville et le système qu’elle imposait à ses habitants, même si elle était du bon côté des choses. Elle avait eu beau se voiler la face durant les premières années, aujourd’hui, elle ne pouvait plus fermer les yeux : cette société était totalement inégalitaire et ils étaient tous prisonniers de Bill Oxford et de ses collaborateurs.
Elle s’allongea sur le dos et observa un instant le voile tendu au-dessus de son lit qui bougeait légèrement, mu par une petite brise provoquée par les immenses hélices du rez-de-chaussée. Juan, Maria, Mai et son compagnon Myo…ils devaient tous vivre, ou plutôt survivre, dans des conditions ignobles pour permettre à l’élite d’avoir un cadre de vie agréable .Pourraient-ils changer tout ça ? Elle n’en était pas sûre, mais elle voulait essayer, quitte à en mourir. De toute façon, sa vie n’avait aucune valeur à ses yeux. Si elle ne se battait pas avec les rebelles, elle n’était qu’un pauvre pantin articulé par la poignée de dirigeants, ce n’était pas une vie. Son père avait été un héros, elle devait se prouver qu’elle n’était pas une lâche comme tous ces élitaires dont la volonté avait été étouffée par tout ce faste, ces réceptions qui ne rimaient à rien et toutes ces constructions pharaoniques…mais bientôt, les Anges qui maintenaient la bulle de verre au-dessus de leur tête deviendraient les Anges de la Justice et Oxford payerait pour tout le mal qu’il avait fait, elle se l’était juré.

Premier Episode / Episode précédent / Episode suivant

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité