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Technopolis
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13 mars 2007

Episode 12

Oceany jeta un coup d’œil discret en direction de la grande horloge qui produisait un véritable spectacle aquatique. A chaque seconde, un plateau descendait, faisant basculer un plan incliné, faisant tomber de l’eau dans un circuit…mais ce n’était pas ce qui l’intéressait, elle voulait juste savoir quelle heure il était. Mark Oxford ne semblait pas vouloir la lâcher et elle craignait de ne pas pouvoir s’introduire dans les vestiaires pour subtiliser quelques passes. Cependant, elle s’en voulait un peu de se conduire ainsi : Mark était un garçon charmant, même s’il était très naïf. Il ne se rendait pas compte que son père n’était pas le gentil démocrate qu’il prétendait être et se foutait totalement de la vie de ses concitoyens, du moment qu’il pouvait en faire ce qu’il voulait. Ils discutèrent pendant près de trois-quarts d’heure sur des sujets qu’elle jugeait futiles, mais qui correspondaient tout à fait à ce genre de soirées et à ceux qui les fréquentaient. Etait-elle si différente des autres ? Soudain, Kelly vint les interrompre, ce qui la surprit : elle était persuadée que la jeune femme se moquait éperdument de son beau-fils et ne pensait qu’au fantastique pouvoir de son époux.
« Ah, te voilà, Mark, ton père et moi nous demandions où tu étais passé. Je ne connais pas ta jeune amie, tu fais les présentations.
- Oui : Oceany Antelwort Geller, voici ma belle-mère, Kelly Oxford.
- Oh, mais oui, vous êtes la petite Antelwort, je me souviens de vous, maintenant. »
« Elle se souvient plutôt de mon nom »pensa la jeune fille en réprimant un sourire moqueur.
« Oh, Mark, il faudrait que tu ailles voir ton père, il voudrait te présenter à des gens.
- D’accord. A plus tard, Oceany. »
Il lui baisa galamment la main, puis partit en compagnie de sa belle-mère. Elle s’avança jusqu’au buffet et se servit un verre de punch et s’en renversa discrètement sur son gant.
« Oh non, je me suis tachée ! se plaignit-elle à une femme qui était à côté d’elle. Ce que je peux être maladroite.
- Oh, je sais comment faire pour…
- Ne vous en faites pas, j’en ai d’autres dans mon sac qui est au vestiaire, je vais les chercher, mais c’est très gentil à vous de vouloir m’aider.
- C’est naturel. Je suis la mère du fiancé et je veux que cette fête soit réussie pour tout le monde sans exception.
- Et bien, vous avez réussi : cette soirée est vraiment très bien. »
Mme Wadeker sourit et allait commencer à discuter sur sa fête, mais Oceany lui montra son gant avec un sourire d’excuse, puis se dirigea vers les vestiaires. A présent, elle avait une excellente excuse pour s’y rendre et si des gens se plaignaient de vol, elle pourrait aisément expliquer pourquoi elle y était entrée et Mme Wadeker la soutiendrait. Parfait.
Elle allait entrer dans la pièce quand la porte glissa brusquement et elle entra en collision avec quelqu’un. Elle recula légèrement et s’aperçut qu’il s’agissait de Bryan Masson, le beau-frère d’Oxford qui semblait assez ennuyé d’avoir été surpris.
« Excusez-moi »marmonna-t-il en filant rapidement. Elle le suivit un instant du regard, puis haussa les épaules : ce type était bizarre, mais elle n’avait pas le temps de chercher pourquoi. D’ailleurs dès qu’elle entra dans la pièce, elle comprit tout : Kelly était en train d’arranger sa robe et son rouge à lèvres avait bavé. Elle ouvrit de grands yeux horrifiés quand elle vit Oceany et rougit violemment.
« Qu’est ce que vous faites ici ? demanda-t-elle.
- J’ai taché mon gant, je viens en prendre un autre : je sors toujours avec deux paires de gants blancs, en cas d’accident. Et vous ?
- Je…euh….je…
- Vous veniez remettre votre rouge à lèvres : le vôtre a bavé. Ne vous inquiétez pas, je ne dirai rien, mais y a des endroits plus discrets pour faire ça. »
Kelly devint cramoisie et la fusilla du regard avant de sortir. Oceany attendit un instant, puis dès qu’elle fut sûre que Kelly était partie, elle plongea la main dans le sac à côté du sien et chipa deux passes. Elle adorait les maris qui confiaient tout à leur femme. Elle répéta l’opération d’à côté et en récupéra un troisième. Elle continua son inquisition, un peu plus loin et en trouva deux autres mais elle n’en prit qu’un : il ne valait mieux pas trop en prendre et se faire pincer. Ensuite, elle les glissa dans une enveloppe qu’elle dissimula derrière l’un des piliers de la salle, en prenant soin de les dissimuler parfaitement. Si quelqu’un s’apercevait avant la fin de la soirée que son précieux bout de plastique avait été volé et qu’on fouillait tous les sacs, elle ne risquerait rien. Elle viendrait les récupérer plus tard. Avec ses acolytes, ils étaient devenus des maîtres dans l’art d’entrer par infraction dans n’importe quel lieu.
Elle ressortit du vestiaire avec ses nouveaux gants et se rendit sur le balcon, pour prendre un peu l’air : la salle était surchauffée. Elle leva les yeux au ciel mais ne vit aucune étoiles car la bulle de verre réfléchissait la lumière et empêchait de voir. Elle sentit une main se poser sur son épaule, mais elle n’eut pas besoin de se retourner pour savoir de qui il s’agissait, car elle l’avait reconnue. C’était sa mère.
« Qu’est ce que tu fais ici, ma chérie ?
- J’essaie de voir les étoiles, mais c’est impossible.
- Oui, je sais, dit-elle, une pointe de regret dans la voix.
- Tu te souviens comment c’était avant ? Quand, le soir, on s’asseyait avec papa dans le jardin pour voir les étoiles et essayer d’oublier la guerre…et après, dans le camp, quand Jimmy nous parlait des constellations et nous racontait des histoires sur la mythologie. On pourra plus jamais vivre ça.
- J’en suis consciente. Je n’aime pas beaucoup cette ville, mais que veux-tu y faire ? Nous avons de la chance, nous faisons partie du bon côté, penses-y. Et puis, si tu veux regarder les étoiles, tu peux le faire avec ton ordinateur et…
- Ce n’est pas pareil, tu le sais bien, et puis…pourquoi on ne peut pas sortir de cette ville, tu peux m’expliquer ? On est enfermés.
- C’est pour notre bien, pour nous protéger. De toute façon, il n’y a plus rien dehors, pourquoi sortir ? Nous sommes mieux ici. »
Oceany fronça les sourcils. Sa mère n’avait jamais été aussi tendre avec Technopolis, elle haïssait tellement cette ville…qu’est ce qu’il lui arrivait ? Peut-être commençait-elle à vieillir et à perdre sa volonté, comme les autres. Après tout, l’endoctrinement avait toujours été le point fort des dictateurs et Oxford semblait particulièrement habile dans cet exercice.
« Qu’est ce qu’il t’arrive, maman ?
- Pourquoi tu me demandes ça ?
- Tu hais cette ville plus que tout, pourquoi tu la défends, tout à coup ?
- Je ne la hais pas, tu exagères. Je m’habitue, c’est tout. Viens, rentrons : le bal a déjà commencé. »
Oceany regarda sa mère rentrer dans la salle et soupira. Même elle s’était laissée séduire par les avantages que lui offrait Technopolis, qui serait le prochain à céder ? Elle, peut-être. Après tout, pourquoi lutter alors que ce serait si facile de se fondre dans le moule et de laisser les autres se débrouiller seuls. Mais elle ne devait pas abandonner, trop de gens comptaient sur elle, en particulier Mai, elle n’avait pas le droit de la laisser tomber. Elle se pencha légèrement et tenta d’apercevoir le rez-de-chaussée, mais c’était impossible : ils étaient trop haut et les enchevêtrements des lignes de monorail semblaient tisser une protection opaque.
« Ne vous penchez pas trop, vous risqueriez de tomber. »
Elle se retourna vivement et vit Ethan près d’elle : qu’est ce qu’il pouvait bien faire ici ? Il devrait être en train de danser avec sa fiancée.
« Vous n’êtes pas en train de danser avec Neve ? demanda-t-elle, pour faire la conversation.
- Non, elle ne peut pas trop danser avec sa robe meringue. »
Elle ne put s’empêcher de rire, mais plaça rapidement une main devant sa bouche : elle avait peur de s’être montrée incorrecte. Après tout, il était le fiancé de la demoiselle en question. Ethan se rapprocha d’elle et regarda le vide à son tour, avant de reprendre la parole.
« Vous pouvez rire, si ça vous amuse. Pour ma part, je trouve cette robe ignoble.
- Vous n’avez pas l’air d’aimer votre fiancée.
- Vous êtes perspicace.
- Non, simplement observatrice. Voilà à quoi nous sommes condamnés, à épouser des gens de notre condition que nous n’aimons pas. Les autres nous envient, mais s’ils savaient…
- Qu’est ce que vous faites ici ?
- Vous m’avez invitée.
- Non, je voulais dire : sur ce balcon.
- Je regardais le ciel : on ne voit plus les étoiles, ça me manque. Pas vous ?
- Je préfère ne pas y penser, et puis, je me dis que ce que nous avons perdu est compensé par ce que nous avons gagné.
- Qu’est ce que nous avons gagné ?
- La liberté, voyons : l’homme avait toujours été prisonnier de l’argent, depuis toujours, nous avons enfin réussi à nous en libérer…Tous ces soucis en moins, c’est si génial ! Nous pouvons avoir tout ce que nous voulons sur simple commande. Et puis, nous avons gagné la paix aussi. Tous les survivants ou presque sont dans cette ville, heureux.
- Sauf que la moitié d’entre eux sont des esclaves.
- S’ils ne nous avaient pas déclaré la guerre, ils…
- Les chinois ne nous ont pas déclaré la guerre, c’est nous qui les avons attaqués, révisez votre histoire.
- Oui, mais c’était pour sauver ce qu’il restait d’indiens. Ils ont perdu, ils doivent payer, maintenant. Mais avouez que cette société est presque parfaite, non ?
- Presque. »

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