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24 mars 2007

Episode 16

Chapitre 5

            Oceany regarda plusieurs fois autour d’elle et bondit sur le balcon, suivie de Juan qui avait placé la moto en mode « lévitation ». Elle essaya d’ouvrir la porte-fenêtre mais constata qu’elle était verrouillée, alors elle saisit une carte magnétique et la passa devant le montant qui fit entendre un déclic et ils purent ouvrir la porte.  Oceany avait fabriqué elle-même son passe-partout en suivant les indications sur le web : grâce aux perturbations magnétiques que provoquait cette carte, tous les verrous électroniques cessaient de fonctionner pendant cinq à dix secondes, largement le temps d’ouvrir n’importe quelle porte. Ils entrèrent dans la pièce qui était à présent vide et s’avancèrent vers le vestiaire, mais avant d’y pénétrer, Juan la retint par le bras.
« Attends, je dois te parler.
- De quoi ? Je ne crois pas que ce soit le moment de parler de quoi que ce soit, il faut agir vite.
- Oui mais tu me parais préoccupée. Tout va bien ?
- Oui, oui…
- Tu peux te confier à moi, je suis ton ami.
- Je… je… je vais me fiancer.
- Hein ?
- Mark Oxford a demandé ma main à mon beau-père : on se croirait revenu au XVIème siècle ! Et puis, on est trop différents, tous les deux et…laisse tomber.
- Ne t’en fais pas, on aura détruit le système en place avant ton mariage.
- Sans doute…on reparlera de tout ça plus tard, ce n’est pas le moment. Bon, je vais récupérer les passes et toi, tu vas monter la garde : à la moindre alerte, tu me préviens d’accord ?
- Compte sur moi. »
Elle sourit puis se dirigea rapidement vers les vestiaires. Ils ne risquaient rien et même si quelqu’un les apercevait, ils avaient leur masque, mais elle ne sentait pas très à l’aise, sans doute parce que c’était la première fois qu’elle évoluait ainsi dans son propre milieu. Le risque d’être reconnue était multiplié par cent, au moins.
Elle ouvrit précautionneusement la porte et jeta un œil dans la pièce : tout semblait en ordre ; elle entra et fila vers sa cachette d’où elle extirpa, à l’aide d’une pince à épiler l’enveloppe qui était admirablement bien dissimulée. Elle allait la glisser dans son sac quand elle perçut un mouvement derrière elle. Elle se retourna et évita de justesse un manche à balai qui aurait dû frapper sa tête et l’assommer. Elle fit un bond sur le côté et frappa le manche qui se brisa en deux et regarda enfin son agresseur pour constater avec surprise qu’il s’agissait d’Ethan Wadeker. Encore lui.
« Tiens donc, comme on se retrouve, fit-il. J’étais sûr que vous étiez mêlée à la disparition des trois passes.
- En fait, j’en ai volé quatre.
- Cette fois, vous ne m’échapperez pas. »
Elle recula légèrement, prête à lui sauter dessus au moindre geste, mais il avait tout prévu. Il n’aurait pas pu gagner à la régulière, il avait donc du trouver un moyen de la désavantager et il n’avait rien trouvé de mieux que d’accrocher un filet au plafond, retenu par une corde qu’il tenait dans la main. Il bougea légèrement, la faisant reculer et, dès qu’elle fut sur le filet, lâcha la corde. Elle réagit au quart de tour et sauta sur le côté mais pas assez rapidement et ses pieds s’emmêlèrent au piège, la faisant chuter. Il se jeta sur elle et lui arracha son masque ayant la confirmation de ce qu’il avait pensé : il s’agissait bien d’Oceany Antelwort.
« J’en étais sûr, je savais que c’était vous.
- Et alors, qu’est ce que vous y gagnez ? Personne ne vous croira si vous racontez ça.
- Et comment vous expliquerez votre présence ici, ce soir ?
- Je n’aurai pas à me justifier. »
Elle se mit à crier étonnement fort, ce qui le fit reculer. Il la regarda, médusé, se demandant ce qu’elle cherchait à faire et n’entendit pas Juan arriver par derrière. Le latino lui administra un magnifique cou sur la nuque, ce qui assomma immédiatement le jeune homme, qui s’écroula lourdement sur le sol. Oceany se débarrassa du filet et rejoignit son complice.
« Bien joué. Faut pas traîner ici, on a pu m’entendre. Qu’est-ce qu’on fait de lui ?
- On le tue ?
- Non, il ne faut pas qu’ils sachent qu’on peut accéder aux sommets. On l’embarque.
- Pourquoi ne pas le laisser ici ?
- Il sait qui je suis, c’est trop risqué ; quand on s’inquiétera de sa disparition, je m’arrangerai pour rappeler qu’il aime bien se promener dans les bas étages. Bon, ne traînons pas, il ne vaut mieux pas se faire attraper. »
Ethan ouvrit péniblement les yeux et regarda autour de lui sans reconnaître l’endroit. Il voulut se passer la main sur le visage mais constata qu’il était attaché par des menottes à une chaise. Cette information eut pour effet de le réveiller totalement.
Il inspecta mieux l’endroit et découvrit qu’il était dans une espèce de placard très sombre et humide qui sentait mauvais. Que s’était-il passé ? Il se souvenait du cri d’Oceany, puis plus rien. Il avait été stupide : il savait qu’elle n’était pas seule, puisqu’il l’avait entendue parler à un homme, mais il n’y avait pas fait attention, trop occupé à savourer sa brève victoire sur elle.
Il essaya de voir s’il ne pouvait pas libérer ses mains des bracelets de fer, mais il n’y parvint pas. Il poussa un cri de rage. Il ne pouvait pas rester là, il devait s’échapper…qu’est ce qu’on allait lui faire ? Au moins, ils ne l’avaient pas tué, c’était peut-être bon signe. Il continua à s’agiter dans tous les sens pour tenter de se détacher, mais il fut interrompu. La porte du réduit venait de s’ouvrir et la lumière l’éblouit, si bien qu’il ne vit d’abord qu’une vague silhouette féminine. Quand ses yeux se furent habitués, il constata avec effroi qu’il s’agissait d’une Chinoise. Il détestait ces gens, ils avaient tué beaucoup de ses compatriotes.
La fille s’avança vers lui, le regarda un instant, sans rien dire, ce qui l’énerva prodigieusement.
« Qui êtes vous ? Qu’est ce que vous voulez ? Espèce de sale garce, tu comprends même pas l’anglais.
- Je n’aime pas qu’on me traite de garce gratuitement. Continue à me traiter comme ça et je t’en colle une. Tu as faim ?
- Pardon ?
- Je te demande si tu as faim. Tu comprends pas l’anglais ?
- Non, je veux partir.
- Je ne crois pas que ce soit à l’ordre du jour pour le moment. Tu as soif ?
- Un peu oui.
- D’accord. »
Elle sortit et revint un instant plus tard avec une bouteille d’eau, qu’elle lui colla sur la bouche. Il but avec avidité, content de pouvoir enfin se désaltérer. Il s’en voulait un peu de l’avoir insultée, alors qu’elle s’occupait de lui. Il avait eu de la chance qu’elle ne soit pas rancunière car elle l’aurait laissé se dessécher. Quand il eut fini, il décida de s’excuser.
« Je suis désolé pour ce que j’ai dit, tout à l’heure, vous n’êtes pas une garce.
- Je suis une Chinoise : pour vous, les Américains, les deux vont de paire. »
Elle reprit la bouteille et ressortit en refermant la porte : où était-il donc ? Les Chinois étaient tous des esclaves… Celle-ci avait dû s’enfuir, ce qui signifiait qu’elle devait avoir une dent contre tous les Américains. Il risquait de passer un mauvais quart d’heure quand elle déciderait de le torturer. Mais comment avait-elle pu s’évader ? Il était persuadé que la sécurité de Technopolis était sans faille…Quoique Oceany était parvenu à entrer sans problème dans la salle de réception alors qu’elle n’avait pas la clef.
La porte se rouvrit et il reconnut immédiatement Oceany, qui avait enlevé son masque. Elle referma la porte à clef, puis lui ôta les menottes.
« Ca sera mieux comme ça, je pense. Vous avez récupéré assez vite, finalement. Vous êtes plus solide que ce que je ne pensais. Bon, il faut que nous discutions : nous avons un sérieux problème. »
Elle tira sur une ficelle qui alluma une vieille ampoule qui se balançait du plafond. Il croyait que ce genre d’éclairage n’existait même plus, il était habitué aux spots halogènes qui éclairaient si bien…il put alors constater qu’il n’était pas dans un petit placard, mais dans une sorte de cellule avec un petit lit de camp, un bidet, un lavabo et la chaise sur laquelle il avait été attaché. Oceany s’assit sur le lit et grimaça.
« Hou ! Il n’est pas aussi confortable que votre grand lit, mais il faudra vous y habituer. Je suis navrée de ne pas vous offrir autant de confort qu’en haut, mais nous sommes au rez-de-chaussée, ici, c’est un tout autre univers.
- Qu’est ce que vous allez faire de moi ?
- Pour le moment, rien, après, on verra. Disons que si vous nous rejoignez, vous  survivrez, sinon, on se débarrassera de vous.
- On va remarquer mon absence.
- Oui, ce pauvre Ethan Wadeker a disparu ; il faut avouer qu’il a la mauvaise habitude de se balader dans les bas quartiers, il fallait bien que ça arrive. On raconte que l’autre soir, on lui a volé son passe et il a dû rentrer avec la police. Peut-être a-t-il une maîtresse, en bas ? Ca expliquerait sa disparition. Il préfère rester avec elle plutôt qu’avec son odieuse fiancée…je ne crois pas qu’on s’inquiète beaucoup pour vous.
- Ma mère sait que je n’ai pas de maîtresse, ici.
- Oh, regardez la pauvre Lauren : elle est persuadée que son fils est un petit saint. La pauvre, si elle savait…
- Vous allez vous faire attraper, vous ne pourrez pas me garder ici, indéfiniment.
- Ce n’est pas mon but. J’ai besoin d’alliés, en haut, et j’aimerais vraiment que vous vous joigniez à nous.
- Si je dis oui, vous me relâchez ?
- Pas immédiatement. Ce serait trop facile, pour vous : si je vous relâchais maintenant, vous fileriez à toute vitesse et je n’aurais plus aucune nouvelle de vous. Il faut d’abord que vous vous rendiez compte des conditions de vie, ici.
- Mais…
- Vous ne pouvez pas vraiment discuter. Je devrais peut-être vous présenter ceux qui vont s’occuper de vous, ce sont mes amis, évitez de les traiter de tous les noms, d’accord, sinon… »
Elle se releva et ouvrit la porte. Cinq personnes entrèrent, ce qui réduisit considérablement l’espace libre de la cellule. Il y avait la jeune fille chinoise qui lui avait donné à boire et un autre nippon et deux hispaniques: quelle mosaïque ! Ce devait tous être des esclaves évadés, des ennemis des anciens Etats-Unis et de Technopolis.
« Bon, Ethan Wadeker, je vous présente, Mai-Li, Myo, Juan et Maria. Si j’étais vous, j’éviterais de leur faire de mauvais coups. Si vous aviez la mauvaise idée de vous enfuir, je viendrais régler votre compte en personne et vous risquez de regretter toute votre vie de m’avoir énervée. Bon, j’aurais bien aimé discuter avec vous plus longtemps, mais je dois rentrer. Bonne nuit, Ethan, vous pouvez faire comme chez vous, ici. Bonsoir. »
Elle sortit, suivie par tous ses amis, le laissant seul dans sa « chambre ». Il était tout simplement furieux, il avait été trop présomptueux en croyant pouvoir récupérer les quatre passes volés. Au fait qui était la quatrième victime d’Oceany ? Peu importait, il ne pouvait pas lui rendre son bien, il était coincé ici. Il devait à tout prix s’échapper ! Il n’était pas question de rester dans cet endroit avec tous ces étrangers, ça le rendait malade rien que d’y penser…des Chinois, des Espagnols, et tout ce bruit qui ne cessait jamais, qu’est ce que c’était ? Comment Oceany avait-elle pu pactiser avec ces gens, ça semblait totalement impensable…Elle devait être folle, il n’y avait pas d’autres explications.

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